DÉCISION DE LA MUNICIPALITÉ DE PORRENTRUY
D’INTERDIRE L’ACCÈS À LA PISCINE MUNICIPALE AUX NON-RÉSIDENT.E.S SUISSES POSITION JURIDIQUE

Depuis le début officiel de la pandémie de Covid-19, tous les Gouvernements du monde entier ont pris des décisions pour limiter la propagation du virus. Ces mesures ont eu toutes sortes de buts et d’effets. Avec le recul qu’il est désormais possible d’avoir, nous savons que certaines décisions, prises dans l’urgence, ont créé d’autres dommages collatéraux regrettables.

Bien que « la vague » et l’urgence soient désormais passées, certains Gouvernements continuent d’édicter des recommandations et parfois prennent des décisions pour limiter la survenance d’une potentielle deuxième vague. Aussi, il n’est pas question de critiquer la prise de responsabilité des autorités et la prise de mesures en soi, mais il convient de reconnaître que les Gouvernements ont désormais la tâche compliquée de concilier l’intérêt à la protection de la santé publique tout en maintenant les droits fondamentaux des êtres humains et les droits acquis.

En l’absence d’une urgence, comme celle du début d’année, il est temps d’observer que certaines décisions peuvent potentiellement aller trop loin, être anticonstitutionnelles et violer les droits fondamentaux définis dans la Constitution fédérale suisse de 1999.

Ainsi, la Commune de Porrentruy a récemment pris la décision d’interdire l’accès à sa piscine municipale à tous.tes les « non-résident.e.s suisses », au nom de l’ordre public et de la sécurité sanitaire. Initialement, les Vert.e.s jurassien.ne.s ont considéré cette décision comme étant plus maladroite que malveillante, bien qu’elle choque tout de même par son caractère discriminatoire avéré, celle-ci étant basée sur l’origine et le lieu de domicile des individus.

Ainsi, bien que le maintien de l’ordre public et la sécurité sanitaire soient des intérêts publics suffisants pour souhaiter restreindre un droit fondamental tel que la liberté individuelle ou contrevenir au principe de l’égalité, il n’en demeure pas moins que la proportionnalité de la décision prise n’est, selon les Vert·e·s jurassien·ne·s, pas réalisée.

Les Vert·e·s jurassien·ne·s ont à cœur que les droits fondamentaux soient garantis et qu’ils ne puissent être restreints que lorsqu’ils respectent les conditions de l’art. 36 de la Constitution fédérale, et en particulier que lorsque le principe de proportionnalité soit respecté à tous égard. Ce principe exige en effet qu’une mesure restrictive des droits fondamentaux soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité), que toute limitation allant au-delà du but visé soit interdite et qu’un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés soit maintenu (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts). Au seul prononcé de la décision du Conseil municipal de Porrentruy, le principe de proportionnalité semblait déjà être violé, au vu de la motivation d’ordre public et de sécurité sanitaire. Les Vert·e·s jurassien·ne·s sont d’avis que la sécurité sanitaire peut être atteinte avec une règle mathématique simple : 1. Définir un quota de personnes admissibles; 2. Compter les personnes qui entrent dans l’enceinte; 3. Réguler au compte-goutte les entrées subséquentes en fonction des sorties. Les Vert·e·s jurassien·ne·s sont satisfait·e·s et soulagé·e·s que cette décision soit désormais soumise à l’analyse de l’instance supérieure.

Or, les Vert·e·s jurassien·ne·s sont désormais stupéfait·e·s par l’argumentation du Maire de la Commune municipale de Porrentruy lors de son interview à la Radio locale. Il semble désormais que la sécurité sanitaire n’était qu’un prétexte et que le seul objectif de maintien de l’ordre public soit en jeu. Si le maintien de l’ordre public tient évidemment à cœur aux Vert·e·s jurassien·ne·s, ceux.celles-ci ne comprennent pas en quoi la restriction à l’accès de la piscine municipale de Porrentruy à tous.tes les non-résident·e·s suisses est apte à produire les résultats escomptés. L’examen de la nécessité, soit le fait que cette mesure soit absolument décisive pour atteindre les buts fixés sans qu’une autre mesure moins liberticide ne puisse garantir les mêmes résultats suffit à considérer la décision du Conseil municipal comme étant anticonstitutionnelle et discriminatoire. Le maintien de l’ordre public peut être garanti au moyen d’un règlement interne, sans qu’il ne soit fait référence spécifiquement à l’origine des personnes. Les interdictions personnelles, non pas pour une année, mais pour plusieurs années, tout comme des interdictions de rassemblement en bandes pourraient être formulées. En d’autres termes, les Vert·e·s jurassien·ne·s ne comprennent pas pour quelles raisons il est nécessaire d’interdire l’accès à la piscine municipale à toute une catégorie de personnes qui n’ont vraisemblablement rien d’autres à se reprocher que le fait de ne pas être domicilié en Suisse. Les Vert·e·s jurassien·ne·s considèrent que cette décision viole les droits fondamentaux et les valeurs d’échanges et de proximité avec la France que la République et Canton du Jura prône depuis longtemps et invite le Conseil municipal à revoir cette décision le plus rapidement possible.

Enfin, les Vert·e·s jurassien·ne·s ont évidemment à cœur que la santé individuelle et publique soit préservée. Toutefois, les droits fondamentaux doivent également être préservés et des restrictions ne doivent être accordées que conformément aux conditions de l’art. 36 Cst. De plus, la crise sanitaire ne doit pas devenir un prétexte à toutes les dérives liberticides. Les Vert·e·s jurassien·ne·s saisissent ainsi l’occasion de rappeler qu’ils.elles sont et restent vigilant·e·s quant au déclin possible des droits acquis.

Pour les Vert·e·s jurassien·ne·s

  • Audrey Voutat avocate – Membre du bureau – le 6 août 2020
Les Vert·e·s jurassien·ne·s ont évidemment à cœur que la santé individuelle et publique soit préservée. Toutefois, les droits fondamentaux doivent être préservés, la crise sanitaire ne doit pas devenir un prétexte à toutes les dérives liberticides.
Audrey Voutat, Membre du bureau